Comité pour un Courant Intersyndical
Lutte de classe et Antibureaucratique
(CILCA)

Lecture des documents préparatoires du 48ème congrès par un militant de la CGT

Article publié le 03 mars 2006

21/02/2006, 28/02/2005, 03/03/2006 J.Viard Retraité PTT Drôme Adhérent de la CGT depuis 1954, retraité des PTT

Ci-dessous ma lecture des documents préparatoires ayant servi lors des trois réunions auxquelles j’ai participées.

Notre syndicat tiendra donc son 48èmecongrès fin Avril, temps fort dans la vie d’une organisation syndicale, surtout qu’il pourrait être déterminant pour son avenir, tant en fonction des refontes annoncées, que de la volonté de poursuivre, à mon avis, une stratégie qui a failli.

A cette occasion, la NVO nous interpelle par une question pertinente : « Et vous, la CGT vous la voulez comment »

Je profiterai donc de l’opportunité en répondant par une métaphore « Je la veux rouge et saignante » mais la lecture des documents ne me laissent pas cette impression.

En avant-propos je voudrais faire une remarque, qui à mes yeux est déterminante quant à l’appropriation que vont faire les adhérents de cette préparation et ensuite du contenu de ce congrès. Un seul et unique document reçu où sont formulées 25 décisions et non pas des propositions soumises au débat, est-ce bien suffisant et démocratique ? Pour ma part, je répondrai NON bien que tout soit fait pour le ficeler au plus près des besoins de la direction confédérale.

Je vais donc par cette intervention expliciter cette affirmation.

Il me semble paradoxal que tous les adhérents n’aient pas tous les éléments d’appréciation (rapports d’activité et d’orientation.) Privés de ces éléments d’analyse et de réflexions, le débat est tronqué, amputé, restrictif et tous les adhérents ne sont pas sur le même pied. Cette déficience laissera donc le 48ème congrès «aux mains des spécialistes », à «l’élite des directions. » Partant de ce constat on peut penser qu’il y aura des délégués au congrès qui n’auront pas lu ces rapports d’activité et d’orientation.

Je vous ferai donc part de mes doutes, interrogations, inquiétudes, mais aussi de mes certitudes et mes discussions témoignent que bien des camarades les partagent à la veille du congrès.

Un constat, la lutte des classes fait rage, le syndicalisme de classe est en crise. Les documents produits par la direction sortante m’inquiètent car ils ne sont pas de nature à s’affranchir du syndicalisme d’accompagnement qui a pourtant failli et se ressourcer à nos textes fondateurs en cette année anniversaire de la charte d’Amiens serait des plus efficients.

Rien qu’en terme littéral, je constate une lente agonie de nos concepts, de notre vocabulaire qui ont complètement disparus des rapports. : Ouvriers, travailleurs, luttes des classes, profits, exploitation, nationalisations, changement de société…etc… par contre individu, citoyen fleurissent à toutes les pages. Bien sûr, ce constat n’est pas d’aujourd’hui mais la lecture des publications préparatoires ne fait que renforcer mes convictions.

Toutes ces disparitions, en privilégiant l’individu au détriment du collectif nous éloignent de la nature même de notre syndicat à savoir de classe et surtout elles font la preuve que l’on ne sait plus se dresser, dire NON. Nous accentuons notre glissement vers ce syndicalisme d’accompagnement si cher à Le Duigou, Decaillon et consorts qui sont les représentants les plus voyants de ce courant réformiste. Le Duigou ne va-t-il pas jusqu’à être co-fondateur de Confrontation, ce ramassis de pseudo-syndicalistes du style Notat et de grands patrons du style F.Mer. Sur quoi planchent-ils ces partenaires sociaux ? Au comment faire accepter par la majorité, un consumérisme le plus plat, un remake d’un vieux rêve à savoir : l’association capital/travail. Sans en faire une question de personne, mais simplement au regard de ses positions politiques ce ‘’syndicaliste’’ a-t-il encore sa place dans la future direction confédérale ?

Depuis 2003, une véritable guerre sociale est menée contre le monde du travail. Elle connaît une nouvelle accélération de la casse de tous les acquis sociaux avec le quatuor Medef/Chirac/Villepin/Sarkozy.

Face à la crise sociale, démocratique, les syndicats engagés dans une voie réformiste d’accompagnement et de syndicalisme rassemblé ne répondent pas de la bonne façon aux exigences d’une lutte cohérente et organisée du véritable tous ensemble et en même temps qui montaient des manifestations du 10 mars et du 4 octobre (pour ne citer que celles là) Il est triste et dommageable que la CGT à travers ses textes de congrès pérennisent cette désastreuse tactique du chacun son tour envoyant au casse pipe les travailleurs en lutte chacun les uns après les autres. Pour expliquer cette attitude, la direction confé va chercher des arguments tous plus saugrenus les uns que les autres. Les travailleurs manqueraient de combativité (alors que des millions de travailleurs ont participé aux diverses actions), que la mobilisation de la CGT est trop insuffisante (la faute à qui), que la rupture de l’unité est dommageable, alors que tout prouve le contraire en témoigne les journées d’action suivantes initiées par la CGT, ou bien que sans la CFDT point de salut, que les intérêts des uns et des autres n’ouvriraient pas les conditions d’un appel à la grève générale, que cette grève générale ne se décrète pas, certes mais pour qu’elle se construise ou que ces arguments soient obsolètes encore faut-il en avoir la volonté.

Face au patronat et au gouv prêts à tout pour défendre les intérêts de leur caste, la CGT craignant de contester ces prérogatives s’est mis en situation de dominés et sur le terrain du gouv. Les luttes de la SNCM et des traminots en sont l’exemple. Alors que pendant plusieurs jours les possibilités d’extension du conflit, de sa transformation en combat d’ensemble contre les privatisations et les licenciements se dessinaient tous les syndicats mais aussi la CGT ont marchandé les pourcentages de privatisation. De reculades en reculades, refusant de lier ces luttes à celles contre les privatisations en général et plus particulièrement de l’EDF, la CGT a laissé sans perspective d’extension leur lutte et a obligé les travailleurs à se battre sur le terrain du gouv et donc désarmés. Les textes du congrès sont à mes yeux de vieux discours prônant l’abandon de l’analyse de classe pour la conciliation et la collaboration entre partenaires sociaux. On parle de «question sociale et non de lutte de classe », on cherche les voies du «dialogue entre acteurs responsables pour réformer » en masquant que les intérêts des uns et des autres sont contradictoires donc antagonistes.

Alors que les droits des travailleurs et des chômeurs sont attaqués frontalement, que la jeunesse est dans la désespérance, alors que la colère monte, que le mouvement de contestation sociale resurgit avec le CNE/CPE. Là encore, la CGT est en deçà des enjeux. Après le 4 octobre (1.5millions dans les rues) le 7 février (vacances scolaires) voyait près de 400000 lycéens, étudiants, travailleurs dans la rue ce qui pouvait présager un tous ensemble et en même temps donc une reconduction. Il n’en a rien été et nous voici au 7 mars toujours sans un véritable appel à la grève générale même d’une journée. (Tout au plus une déclaration : Il faut des manifestations puissantes le 7 Mars, ou laissant aux organisations de base le soin de faire au mieux). Cette conception de pseudo mobilisation est hallucinante. Laissera-t-on la jeunesse, les travailleurs seule face à leurs bourreaux n’ayant d’autre choix qu’entre esclavage et chômage? Mais à qui fera-t-on croire que cette riposte est à la hauteur des enjeux que c’est avec une journée de manif que l’on fera plier le gouv. Ne répondre que partiellement à l’aspiration des salariés, de la jeunesse c’est laisser le champ libre à ce gouvernement antisocial, antidémocratique, anti-jeune et illégitime. Mobiliser pour le 7 et poursuivons jusqu’à la victoire. Il faut se battre pour arriver à une grande mobilisation, du type 94, qui a vu Balladur battu sur le CIP. Je ne perçois pas dans les textes comme dans les faits une volonté manifeste de la CGT.

A mes yeux, les enseignements n’ont donc pas été tirés et les textes sur le sujet sont d’un silence assourdisssant.

Deux autres exemples encore pour illustrer mes doutes et inquiétudes sur le devenir de la CGT. (Référendum et la CES) car ils illustrent l’un, le fond : la politique maastrichtienne que l’on tente de nous imposer et l’autre : le moyen, une institution l’accompagnant.

Lors du référendum du 29 mai sur la constitution européenne, il s'en fallut de peu que Thibault appelle à voter oui, se retranchant finalement dans une attitude de neutralité allant même jusqu’à se lamenter dans les médias du « manque de démocratie interne » que la plupart des adhérents trouvèrent suspecte.

Sur le référendum, les documents sont d’un mutisme révélateur : pas un mot sur le désaveu du CCN de février, langue de bois sur le TCE c'est-à-dire son contenu…etc.…

En adhérant à la CES, dominée par la sociale démocratie et prête à tous les compromis avec le patronat. (N’a-t-elle pas elle aussi appelé à voter OUI au TCE ? N’a-t-elle pas a impulsé un syndicalisme d’accompagnement des contre-réformes dont l’objectif est de contenir la contestation des salariés ?) Ce faisant, toutes les centrales adhérentes de la CES, dont la CGT, ont donc fait ce choix de la cogestion, empêchant de fait tout développement de la lutte collective. Les luttes paralysées, l’échec est inévitable.

Cette évolution est donc préoccupante notamment pour la CGT. Ses congrès consécutifs la transforment peu à peu en un syndicat d'accompagnement. S’éloignant des principes de classe, la Dr.Conf a dérivé vers une conception de moins en moins combative invoquant la « modernité » « la culture de la négociation » « du syndicalisme rassemblé » « du diagnostic partagé » Cette conception aspire au mieux à « maîtriser le K » débouchant sur des accords entre partenaires à minima

II était impensable, il y a quelques années de voir un secrétaire confédéral aller discuter seul avec le premier ministre pendant un conflit dur, sans être accompagné d'une délégation des intéressés (SNCM). De se voir décerner des brevets de responsabilité ou qu’un des premiers responsables cégétistes soit lié avec le grand K (Le Duigou) ou que le journal Financial appelle des ses vœux la réélection de B.T en avril 2006 ou de voir la CGT s’apprêter à adhérer à l’union syndicale mondiale qui résulte de la dissolution de la Conf. Intern. Synds. Libres, pilotée par Gabagio, ancien secrétaire de la CES autant de louanges ou de perspectives qui doivent nous interpeller.

Pour conclure, je constate que tout se passe comme si on laissait chaque branche, chaque entreprise, le SP s'isoler et finalement perdre alors que chacun de ces conflits s'attaque à l'essence même du capitalisme d'aujourd'hui. Cette stratégie de logiques sectorielles et corporatistes, de ces journées d’action sans lendemain et sans perspective, nous ont fait abandonner la dimension interprofessionnelle, la solidarité de classe et a conduit à la défaite. Séparément, nous sommes marginalisés et livrés à la répression patronale et gouvernementale. Ensemble, nous pouvons résister, passer à l’offensive pour briser la déferlante maastrichtienne. Nous sommes donc condamnés à gagner tous ensemble ou à perdre tous séparément.

- Casse des services publics. - Délocalisations– Répression des travailleurs pour mieux exploiter - Casse du système des retraites et de la protection sociale, des statuts des services publics, casse du code du travail, mise en place du CNE/CPE. C’est tout le contenu du projet de constitution européenne que le peuple français a rejeté qu’ils sont en train de faire rentrer par la fenêtre. La CGT ne peut rester sourde et aveugle après le message du 29 mai. Pourtant depuis ce début d’année, nous assistons à une resucée des années 2003/2005. Des journées d’action toutes aussi inefficaces les unes que les autres puisque sans lendemain. D’autres domaines auraient pu être évoqués qui recouperaient l’analyse que je fais de ces textes de congrès. (Responsabilité sociale des entreprises, mutation du travail salarié)

QUE FAIRE ?

De plus en plus d'adhérents se posent des questions et manifestent leur opposition à cette dérive confédérale. Le mécontentement monte. Il faut changer le cours des choses, mobiliser sur des revendications claires au niveau national et international et lutter ensemble et en même temps. Les conséquences sont avérées, les responsables connus alors déterminons la stratégie de classe qui permette de contrecarrer les ambitions du grand capital et d’œuvrer à notre niveau syndical à ouvrir les perspectives du changement.

Faisons le bilan inter congrès, tirons en les enseignements et rappelons-nous ce qui a fait la force de notre syndicat. (Classe, Masse et Anticapitaliste)

PS : les trois réunions (2 interpro et une SP) ont rassemblé une soixantaine de syndiqués et le sentiment général que j’en retire c’est que les travailleurs aussi bien du privé que du public :

  • Perçoivent de mieux en mieux la dérive droitière de leur organisation syndicale et que leurs défaites sont dues pour l’essentiel à la trahison de leur confédération et dès lors ne sont pas prêts en accepter la poursuite. Certains allant même à dire « ces textes sont inamendables donc à rejeter ». D’autres demandant les « démissions de la direction confédérale ou le retrait de la CES ».
  • Exigent une nouvelle orientation en adéquation avec leurs revendications et en rupture avec la ligne d’accompagnement chère à la CFDT et à la CES.
  • Se prononcent pour la construction d’un tous ensemble et dans la durée.
  • Demandent que les délégués soient porteurs de leur analyse.

Bien sûr, je ne suis pas naïf au point de croire qu’une hirondelle fait le printemps mais c’est le signe que le congrès sera sans «plus perturbé » que ne l’aurait souhaité Thibaut et consorts. Les responsables en charge de ces réunions ont été relativement discrets compte tenu que majoritairement elles ne leur étaient pas acquises.